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Joel Hazan, Benjamin Fassenot

« Le mode de transport routier “sobre” doit se développer »


Pour limiter les embouteillages et la pollution à Paris, les deux consultants Joël Hazan et Benjamin Fassenot préconisent, dans une tribune au « Monde », de recourir à des navettes partagées avec chauffeur, « à la demande » et électriques, gérées par des algorithmes.

Joël Hazan (Directeur associé du Boston Consullting Group (BCG) à Paris et chercheur associé du Bruce Henderson Institute) et Benjamin Fassenot (Consultant au BCG)

Tribune dans le Monde

La politique des transports patine en région parisienne.

D’un côté, le transport public a des progrès à faire. Si ce mode reste le plus écologique lorsqu’il est ferré, déplaçant un grand nombre de citadins à prix bas, il continue à être polluant lorsqu’il est routier.

En outre, il peut être difficile d’accès pour certains et coûteux pour les finances publiques, 80 % des coûts étant assumés par le contribuable.

De l’autre, si la voiture individuelle permet d’effectuer des trajets porte à porte et de répondre à toutes les urgences, elle est encore trop polluante et bruyante.

Elle est, par ailleurs, à l’origine de la congestion, qui a augmenté de 10 % à 15 % dans toutes les mégalopoles.

Résultat : un Francilien sur trois refuse un emploi qu’il considère trop éloigné de son domicile.

Entre les deux, on trouve les nouvelles mobilités : véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), autopartage, trottinettes et vélos en libre-service.

En apparence, la solution à tous nos maux.

Les investisseurs s’y précipitent – plus de 40 milliards de dollars de levées de fonds en 2018 –, tout comme les grands constructeurs automobiles, qui ont tous annoncé des investissements de plus de 1 milliard de dollars (910 millions d’euros) chacun dans le secteur pour les années à venir.

En réalité, beaucoup de bruit pour (presque) rien : aujourd’hui seulement 2 % des passagers adoptent ces nouvelles mobilités dans leur routine quotidienne.

3 solutions possibles

Pour que le système de transport soit réellement plus fluide, trois solutions sont réellement efficaces : la mise en œuvre de péages urbains, le déploiement d’applications permettant d’« interfacer » en temps réel tous les moyens de transport (ce qu’on appelle « MaaS » pour Mobility as a Service) et le développement d’un mode « sobre » d’utilisation de la voiture.

D’abord, le péage urbain – qui a d’ores et déjà fait ses preuves à Londres et à Singapour – devrait permettre de renchérir le coût de l’« auto-solisme » tout en finançant la transition vers le véhicule électrique.

Il a jusqu’ici été rendu impossible par la loi d’orientation des mobilités (LOM) : il faudra y revenir pour l’agglomération parisienne.

Ensuite, le développement d’applications en mode « MaaS » devrait permettre de proposer à l’avenir la meilleure combinaison de modes de transport (transport public et nouvelles mobilités) pour optimiser les trajets selon les envies de chacun – temps, confort, prix, émissions de CO2…

Plusieurs opérateurs français ont déjà investi, la SNCF en premier lieu. On peut s’en réjouir, Paris et la France ne seront pas à la traîne.

Enfin, le mode de transport routier « sobre » doit se développer. Celui-ci doit idéalement regrouper les avantages du transport public et de la voiture individuelle, pour conduire les passagers des zones mal desservies vers les gares. Il réduirait ainsi le nombre de voitures sur la route, la pollution, ainsi que le coût pour les usagers et la collectivité.

Or, ce mode de transport est depuis toujours sous nos yeux : il s’agit des navettes partagées, avec chauffeur, que l’on trouve dans beaucoup de pays en développement. En 2019, ce mode de transport devra évidemment être « à la demande » et électrique.

Prix inférieur de 75 %

Pourquoi ce mode ne s’est-il pas encore imposé dans nos villes ? Parce que, pour optimiser en temps réel les itinéraires de ces navettes et ainsi minimiser le temps d’attente de chaque passager, il manque aujourd’hui la puissance d’algorithmes modernes.

Seules quelques entreprises maîtrisent aujourd’hui cette technologie et peuvent espérer réussir là où les offres de courses partagées des VTC ont jusqu’ici échoué.

Ainsi, le service VIA [application de covoiturage] a mené des expérimentations intéressantes aux Etats-Unis et à Berlin avec des résultats spectaculaires.

Le temps d’attente est inférieur à neuf minutes, à peine plus long qu’un taxi, et bien moins long que le temps moyen pour se rendre à pied à la gare la plus proche.

Le taux d’occupation des véhicules dépasse quatre passagers, contre 1,5 pour les services de courses partagées traditionnels.

En outre, le prix par course est inférieur de 75 %. A Arlington, les kilomètres parcourus par des véhicules thermiques – et, donc, la pollution – ont été réduits de 40 %.

En France, la mise en œuvre d’un tel système a notamment été étudiée pour pallier le désert d’options de transports entre les sites universitaires et les sites de recherche du plateau de Saclay : 2 millions d’euros par an suffiraient pour installer un réseau de navettes gratuites. Il est donc grand temps d’investir en ce sens.

Par ailleurs, si les péages urbains ont d’ores et déjà réduit la congestion et la pollution de 10 % à 20 %, le déploiement des courses partagées à l’échelle, pourrait renforcer cette tendance avec une diminution supplémentaire de 10 % à 15 %.

Ces thèmes, indispensables pour poser les bases d’une ville durable et désirable, devront être au cœur des débats des élections municipales [de 2020]. Pour que nos transports soient plus agréables mais aussi au service du développement économique, social et environnemental de nos villes.

Le Monde

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