Une application pour mes déplacements, au lieu de + 15 aujourd'hui, techniquement c'est possible. Les enjeux sont ailleurs.
J’ai rêvé que je n’avais plus qu’une seule application pour me déplacer en Suisse et aussi, au delà de nos frontières.
Cette application me permettait d’organiser, de réserver puis de payer directement - ou sous forme d’abonnements -, tous les moyens de transport et de parkings que je peux utiliser.
J’ai rêvé que cette application me donnait l’ensemble des itinéraires, le temps de mes déplacements en intégrant les bouchons éventuels, les prix et aussi des propositions d’optimisation si je décalais ou anticipais mon départ.
Tout y était : tram, trolleys, bus, train, location voiture, auto-portage, co-voiturage, taxi, vélo, trottinettes et scooters sans oublier les parkings et les places disponibles. Que ces services soient rendus par des opérateurs privés ou publics.
Dans mon rêve je ne me souviens plus très bien du nom de ces applications, mais je crois que leur nom commençait par un C, un U ou un W.
Un profond changement culturel
Puis j’ai réalisé que je ne rêvais pas, mais que j’assistais à la passionnante Conférence sur la Mobilité organisée par le Canton de Vaud.
Ces applications existent ; elles s’appellent notamment Citymapper, Ubigo, Whim et sont désormais utilisées dans plusieurs pays. Les paiement sont inclus.
En Suisse, ces plateformes numériques de mobilité multimodale, ne semblent pas prêtes d’apparaître car les conditions cadres ne sont pas encore réunies et les réflexions débutent sur le sujet.
Dans ce sens, la conférence organisée jeudi dernier, constitue une étape majeure et témoigne d'un changement dans la façon d'appréhender la mobilité.
Elle rassemblait des participants éclectiques de grande qualité – chercheurs, universitaires, urbaniste, architectes, ministre, entreprise publique et privée - qui ont posé le cadre des enjeux de la mobilité de demain et de l’utilisation du numérique.
Ils ont aussi partagé les difficultés attachées à cette démarche qui nécessite surtout un profond changement culturel, pour construire une mobilité intelligente, multimodale et écologique ; Ce changement de culture est nécessaire à tous les niveaux et pour tous les acteurs ou parties prenantes de cette réflexion.
Transversalité, expérimentation, flexibilité sont revenus dans les discours : le changement de culture se situe bien là.
Ils ont aussi confirmé l’importance du rôle des autorités organisatrices, cantons, confédération ou état, pour fixer les principes, établir une vision holistique et une gouvernance globale pour que les acteurs de la mobilité – privés ou publics- agissent dans un cadre bien déterminé et pour servir l’intérêt du citoyen.
Les participants ont enfin évoqué l’importance d’intégrer le citoyen, l’utilisateur de mobilité dans cette démarche, pour faire émerger des solutions partagées et aussi pour s’assurer que les actions envisagées, atteindront bien les objectifs visés.
De la théorie aux actes : CHF 10 Millions de budget
Le Canton de Vaud affiche son volontarisme et alloue en conséquence un budget de 10 Millions de CHF pour déployer des projets dans le domaine.
Ce pragmatisme sur des expérimentations concrètes et de taille limitée, sont une des clefs de la réussite de projets de Smart Mobility.
Nous le voyons donc, le Canton de Vaud a de nombreux atouts pour devenir un Smart Canton, et être force de proposition.
Alors, une seule application sur son mobile pour se déplacer en Suisse, est ce vraiment un rêve ?
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Résumons les principaux enjeux évoqués lors le l'évènement :
La mobilité s’inscrit dans un contexte global intégrant des dimensions urbanisation, bâtiments, énergie, eau.
Autrement dit, il convient de bâtir une vision holistique, une stratégie globale dans laquelle s’inscrit la mobilité.
Puis de fixer des priorités, dans lesquelles des projets de taille limitée seront déployés et mesurés afin de s’assurer qu’ils atteignent les objectifs visés.
Un des enjeux est donc d’adapter progressivement les organisations et les mentalités, aujourd’hui d’avantage structurées en silo, pour traiter de ces enjeux.
La gouvernance : le rôle de l’Etat, des Cantons et des autres autorités organisatrices ne doit pas être abandonné aux entreprises privées ou publiques, qu'elles soient plateformes numériques ou opérateurs de transport.
Il est critique que Cantons, Etat et/ou autorités organisatrices fixent les objectifs, la gouvernance, les responsabilités des uns et des autres et contrôlent leur respect.
Les données : elles sont clefs et les problématiques sur ce sujet sont multiples. Ces données doivent être exploitées par des plateformes qui constituent des outils d’aide à la décision.
Elles sont des instruments de coordination des acteurs de la mobilité et de la ville qui doivent donc échanger des informations pour améliorer les services existants et rendre de nouveaux services à la collectivité.
C’est donc à ce niveau, que la gouvernance en termes de collecte, d’opérabilité, d’utilisation, de maintenance et de gestion doit être affirmée par une autorité indépendante, un canton ou un état qui a normalement l’intérêt du citoyen en tête.
Différents modèles existent - open data par exemple- et des règlementations émergent pour les réguler et ne pas laisser la main aux seules entreprises privées - notamment les plateformes numériques- dont l’objectif est davantage de maximiser leur profit en transformant l'utilisateur de mobilité en client captif sur d'autres services et produits.
Il en est de même pour les transports publics organisés en monopole dont l’objectif est de conserver le statut quo et de ne pas mettre à disposition les données dont elles disposent sous différents prétextes.
Le cas de la SNCF, DB et aussi des transports de Londres sont des exemples certes différents mais qui témoignent tous du fait, que seule la "contrainte" et la réglementation permet le partage des données.
Les récents problèmes rencontrés par la filiale d’Alphabet - Sidewalks Lab- à Toronto dans la construction de la Smart City, sont aussi une excellente illustration des conséquences d'une gestion défaillante dans la gouvernance des données.
Les modèles d’affaires et de financement ; différents modèles d’organisation de plateformes numériques multimodales de mobilité existent. Elles ont toutes des avantages et des inconvénients et dépendent aussi des objectifs visés en termes de mobilité.
Elles peuvent être gérées par des entreprises privées ou publiques.
Les modèles d’affaires décidés, auront un impact sur les modèles de financement.
Le citoyen
Les intervenants ont insisté sur l'importance d'intégrer le citoyen dans la démarche et dans toutes les étapes du processus.
Stéphanie Fontugne